Jeudi 19 mars. Troisième jour de confinement
1er défi. La page 43
Premier défi d’écriture proposé à distance par Carole Lacheray, qui anime l’atelier d’écriture à Trouville-sur-mer. Découvrez son superbe blog (http://osezecrire.blog.free.fr) ou la page Facebook (https://fb.me/osezecrire) puis n’hésitez pas à vous lancer vous aussi, et à partager.
Pour rompre l’isolement qui nous est imposé, afin d’éviter l’ennui ou la déprime et de se donner des nouvelles, je vous proposerai tous les trois jours un petit défi d’écriture, que vous pourrez relever si vous en avez l’envie !
Voici le premier :
choisissez un roman dans votre bibliothèque, ouvrez le à la page 43, Choisissez une phrase dans cette page et écrivez un court récit ( entre 6 et 20 lignes) qui commencera par cette phrase. Ce récit parlera d’une situation imaginaire pendant le confinement.
Le vieillard et la mort
La page 43 du roman (que je viens tout juste de finir de lire) de l’écrivain cubain Leonardo Padura, « La transparence du temps » (2014, éditions Métailié) ne contenait qu’une seule phrase, conclusion d’un chapitre. Elle est assez longue, et assez morbide. J’ai donc essayé de respecter son style, et le thème, celui du confinement à partir de cette curieuse phrase.
Au petit matin, le vieillard mourut seul, sans une plainte, les yeux entrouverts fixant ses pieds et la statue de Notre-Dame de la Vall éclairée par une chandelle funéraire aux essences de lavande, un parfum qu’il avait toujours associé à la lointaine vallée d’où les égarements de l’Histoire l’avaient un jour expulsé. Dans ce village isolé du Piémont, les cent dix habitants s’étaient réfugiés pour les uns, dans leur ferme, pour les autres, dans ces maisonnettes aux pierres sèches, aux murs grossiers, dépourvus de ciment, demeures ancestrales serrées dans les ruelles escarpées qui menaient toutes plus ou moins à l’église. Dominant la place déserte et le bourg silencieux, l’allée de platane et les bancs sur lesquels ne se posaient plus que des pigeons ramiers, la cloche de l’église, programmée, scandait lugubrement des heures dépourvues de sens. Le tocsin, que l’on activait manuellement en cas de besoin, ne résonnait pas ainsi qu’il aurait dû. Les enterrements étaient interdits, comme l’étaient les rassemblements, les processions, les messes, et même les simples parties de cartes sur la place, à l’ombre bienfaisante des platanes ou des parasols, en terrasses de cafés. Le vieux était mort ce matin-là, à l’aube naissante, et pourtant, il se passerait près d’une semaine avant que les voisins, séparés du cadavre par plus d’un mètre de pierres de schiste et de gneiss, ne donnent l’alerte aux forces militaires, seuls habilitées à entrer dans les demeures.
Isabelle Lebastard