2014 12 13
Atelier d’écriture, médiathèque Lisieux
Animé par Annie Bons
Première partie :
Thème sensoriel : l’olfactif
Une boîte circule. On la sent, les yeux fermés.
3 ou 4 mots sur ce qu’on a senti – ou pas senti.
Inodore ? Quasiment. Discrète senteur de paillette, savonneuse, culinaire ?
A partir de ces impressions, écrire un texte sur un souvenir que cela déclencha, ou, de façon imaginaire, que nous vient-il à partir de ce déclencheur.
On peut utiliser les mots des autres lors de la description initiale.
Durée : 35 min
L’art du remplissage … des boîtes vides
La boîte circule. Une boîte ronde comme la table ronde autour de laquelle nous sommes ce matin réunis. Une boîte invisible, mystérieuse, et inodore à mes narines obstruées, passe de mains en mains. Par derrière les baies vitrées de la médiathèque, il pleut sur Lisieux. Il a plu toute la semaine d’ailleurs. L’air est imbibé d’humidité jusqu’à la moelle de son essence normande. Les poumons protestent, les bronches ronflent et les narines s’embouteillent. Au dehors, le marché bat son plein, les sonorités nasillardes de Noël se déclinent à toutes les sauces, françaises ou anglo-saxonnes, entrecoupées de messages publicitaires : « Profitez de notre offre promotionnelle unique », « Pour les fêtes, faites-vous plaisir », « Aujourd’hui, exceptionnellement, le chapon à neuf euros quatre-vingt-dix-neuf le kilo, joyeux Noël à tous ». Malheureusement, le thème d’aujourd’hui, à l’atelier d’écriture, n’est pas celui de l’ouie. Des sonorités profondes, utérines et rythmiques, remontent des étages du bâtiment. Basse, djumbé et percussions, sont à l’œuvre au sous-sol, mais non, concentrons-nous, le thème du jour est l’olfaction, pas l’audition. Revenons à nos odeurs, supposées ou inventées, et décryptons ce qui peut l’être ; pour le reste, inventons. Les gouttes de pluie, lourdes et larges, s’écrasent sur les toiles colorées des stands de légumes qui ont l’avantage, eux, d’avoir une odeur reconnaissable, même les yeux fermés. Rondeur chaude et crémeuse du potiron. Amertume précoce du chou vert. Suavité fibreuse du navet. Parfum estival de la courgette. Senteurs automnales des châtaignes. Flagrance anisée du céleri. Rien de tout cela dans la mystérieuse boîte qui circule. Une boîte de métal, c’est sûr, froideur au bout des doigts, préservée après le passage circulaire dans toutes ces paires des mains. Une boîte rouillée, oxydée, en voilà une odeur reconnaissable, qui masque, presque totalement à mes narines en perdition, celle de son contenu, objet du jour. L’arôme subtil de la masse poudreuse, pailletée, brune, légère, sèche, bruyante, savonneuse, alimentaire, n’évoque en moi que des images confuses. Mon esprit tourne en rond et rêve alors d’un échappatoire : une tasse de thé bien chaude, bouillante même, dans le creux des mains. Un thé vanillé, au sucre de canne caramélisé. Ce pourrait être … une image subliminale ?
Deuxième partie :
Exposition de tableaux naïfs et de masques à la médiathèque :
Deux possibilités :
– Entrer dans le tableau, écrire de l’intérieur du tableau : être un personnage du tableau et on se promène dans cet univers.
– Dialoguer, inventer un dialogue avec un personnage d’un tableau, ou avec un visiteur lambda, ou entre deux personnages de deux tableaux qui discutent entre eux.
Durée : 20 minutes
Mascarade
Masque 1 :
Boucles d’oreilles en anneau, nez violet, bouche violette, gros yeux ronds inexpressifs.
– Qu’est-ce que vous faites ici ?
Masque 2 :
Long nez courbé, bouche lippue, yeux verts en amande, menton prononcé.
– La même chose que vous.
Masque 1 :
– C’est-à-dire ?
Masque 2 :
– J’attends. J’attends depuis des jours le bon vouloir des passants. L’œil avisé des spectateurs. L’admiration de l’amateur éclairé. La reconnaissance de l’esthète.
Masque 1 :
– Ah bon, monsieur avec sa tronche de traviole et sa bouche pendante de pervers exotique espère séduire les esthètes ? Attirer les amoureux des arts primitifs ? Inspirer les critiques d’art ? Laissez-moi rire !
Masque 2 :
– Non mais ça va bien, vous, espèce de folledingue ! Regardez-là donc cette hystérique, cramponnée à son grillage noir, avec ses yeux vides et troués, cette face de bois aplatie, ce rouge à lèvres violet – une horreur – ! Et ça se prend pour une œuvre d’art, peut-être ?
Masque 1 :
– Je n’ai pas cette prétention, moi, môssieur. Je suis là comme témoin, témoin muet de l’artisanat africain revisité par des mains innocentes. Je guette le sourire d’un enfant. J’espère le rire, la surprise et la joie d’un autre. Je témoigne d’un voyage imaginaire, dans des contrées lointaines et …
Masque 2 :
– Artisanat, ça oui ! On voit bien que, contrairement à moi, vous n’avez pas été façonnée par des mains de maître ! Un vulgaire ouvrage de débutant ! Cette figure grossière, ces couleurs choquantes, ce matériau bon marché … pas besoin d’être critique d’art pour sentir à deux kilomètres vos origines locales.
Masque 1 :
– Oh ça suffit ! Vous et votre prétention ! Vous vous croyez quoi ? Un masque burkinabais Senoufo traditionnel du dix-septième siècle ? Un authentique masque Massa camerounais de cérémonie sacrificielle ? Un objet sénégalais sacré réservé à l’initiation des jeunes filles ?
Masque 2 :
– Ben… oui, évidemment. Cela se voit, non, d’ailleurs ? C’est écrit sur ma figure, même, oserais-je dire ! Mes origines sont anciennes, si anciennes qu’elles se perdent dans la nuit des temps.
Masque 1 :
– Et cette étiquette, là, sur votre dos ? Laissez-moi voir. « Made in Taiwan ». Vous vous moquez du monde ! Ni art, ni artisanat ! Objet industriel ! Sale objet industriel qui se la joue pièce d’art unique !
Masque 2 :
– Quoi ? Mais non, non ! Ce n’est pas possible, il doit y avoir erreur !
Masque 1 :
– Gardien ! Gaaaardien !
Masque 2 :
– Mais puisque je vous dis qu’il y a forcément erreur ! Je suis un au-then-ti-que masque Bété ivoirien, issu d’une prestigieuse collection muséale ….
Masque 1 :
– Gardien ! Ah, vous voilà enfin. Fichez-moi cet imposteur dehors !
Masque 2 :
– … acheté à prix d’or par la ville de Lisieux. Pièce maîtresse de l’exposition d’aujourd’hui… une valeur inestimable….
Masque 1 et le gardien, en chœur :
– Ouste, du balai ! A la porte !
Masque 1 :
– Et maintenant, j’attends la visite des enfants.