Atelier d’écriture animé par Carole Lacheray
Médiathèque de Trouville-sur-mer
Découvrez son blog, ouvert à tous : « Osez écrire »
http://osezecrire.blog.free.fr/
Écriture bucolique : « Dans ce jardin »
1) Écrire un poème gigogne
À la manière de Paul Éluard. Écrire un poème en allant du plus grand au plus petit, puis on renverse la situation, et on remonte du plus petit au plus grand, commençant par « Dans ce jardin il y a »
5 minutes
Dans ce jardin il y a
quelques beaux et grands arbres
Parmi eux il y a un chêne,
sur une haute branche
un écureuil aux aguets,
entre ses petites pattes
il y a un gland
rond, lisse, brillant.
Le gland glisse et s’échappe
des pattes de l’écureuil
tombe de la branche
au pied du grand chêne
roule, roule dans l’herbe
du jardin, qu’un jour,
il recouvrira de son ombre.
2) Le jardin imaginaire avec rupture
Lecture d’un poème de Raymond Queneau sur les 5 sens. Décrire un jardin imaginaire très court, sous forme de poème, utilisant les 5 sens, avec la phrase finale qui va créer la rupture.
10 minutes
(vue)
La tomate rouge et luisante
mûrit sa pulpe sombre
sous le soleil d’août
(ouïe)
Lourde, la courgette retombe
et le bruit sourd résonne
comme un charleston lesté
(toucher)
Ferme et lisse, l’aubergine
achève ses courbes, inclinaison
parfaite de la maturité
(odorat)
Le thym fleuri, l’aneth
frémissant et la sarriette sauvage
mélangent leurs flagrances
(goût)
L’ail achève, fanes couchées
à terre, la concentration
absolue de ses saveurs
(rupture)
Et la jardinière heureuse embrasse
du regard la ratatouille
provençale de ce soir.
3) L’article de journal
Lecture d’un extrait du livre « Interview d’une vache » de Jean-Marie Gourio. On est journaliste, on interviewe la vache. Au préalable, pour préparer notre article avec la règle des 5 W, on remplit le questionnaire de Proust :
Le questionnaire de Proust, on y met les réponses de Louise en un mot ou une idée très courte :
-Quel est le principal trait de votre caractère ?
Placide, dépourvue d’agressivité
-Quelle est la qualité que vous préférez chez l’humain ?
Sa ponctualité. Traite à 6 h et à 18 h, 365 j/an
-Qu’est-ce que vous reprochez à l’humain ?
Son appétit sans bornes
-Quel est votre principal défaut ?
Ma paresse
-Quelle est votre occupation préférée ?
Ruminer dans un champ normand au pied des pommiers
-Votre rêve de bonheur ?
Vieillir auprès de mes enfants
-Quel serait votre plus grand malheur ?
Finir en steak haché au Mac Do
-Qui voudriez-vous être si vous n’étiez pas vache ?
Un étalon du haras de Deauville, champion de course à plat
-Quels sont vos héros dans la vie réelle ?
Marguerite, film avec Fernandel
-Comment aimeriez-vous mourir ?
De vieillesse au fond de mon étable
-Votre pire souvenir ?
Quand on m’a enlevé mon fils Toto à l’âge de 6 mois pour l’abattoir
-Votre devise ?
« Sois pas vache avec les copines »
De retour chez vous, vous rédigez l’article en y intégrant toutes les réponses de Louise (l’ordre est libre).
20 minutes
Louise, la normande incarnée
Louise, 6 ans, est une belle normande à la robe blanche marbrée de brun. Nous sommes allés à a sa rencontre, dans la ferme de Saint-Aulnay-sur-Vire. Portrait d’une autochtone et fière de l’être.
Louise nous a reçus, sans manières, dans le grand pré planté de pommes à cidres où elle passe l’essentiel de ses journées, en compagnie d’une douzaine de consœurs.
Louise, d’emblée, revendique son trait de caractère le plus marquant. « Je suis d’un naturel placide. Absolument dépourvue d’agressivité ». Le ton est donné, l’essentiel est dit. À la vue de ses longs cils courbés, de ses yeux bruns très doux, on la croit volontiers. Louise est une vache qui apprécie les humains. « Surtout les humains ponctuels » rajoute-t-elle. Roger, le commis de ferme, assure la traite à 6 h et 18 h précises, qu’il vente ou qu’il pleuve. Louise fournit ses 60 litres de lait quotidiens. Du bon lait normand, riche et crémeux. Mais tous les humains ne trouvent pas pour autant grâce à ses yeux. « Certains ont un appétit sans bornes », déplore-t-elle.
Ses journées, Louise les passe au pré l’été, en stabule à la mauvaise saison. Et quant à ses activités, elles peuvent être réduites, voire minimalistes. « Je suis assez paresseuse, c’est vrai, reconnaît la normande, c’est là mon pire défaut ». Mais la paresse, chez Louise, se double souvent d’un plaisir, ni caché ni honteux, le plus grand plaisir de la vie d’une vache en fait : ruminer. « Je suis capable de ruminer 8 heures par jour » assume fièrement celle-ci. Une vraie championne dans son espèce.
Louise coule des jours heureux au sein de la GAEC (groupement agricole d’exploitation en commun) de Saint-Aulnay-sur-Vire. Elle ne demande qu’une chose : vieillir parmi les siens, tranquillement, au fond de son étable, et y finir ses jours en compagnie de ses enfants. L’œil humide, Louise avoue ne s’être jamais vraiment remise du traumatisme de l’enlèvement de son fils, Toto. « Ils me l’ont pris à 6 mois » regrette-t-elle. Et quant à sa plus grande hantise, il n’y en a qu’une, absolue : « Finir en steak haché, assène Louise, au Mac Do ». Si Louise aurait rêvé, dans une autre vie, de s’incarner en étalon, « un champion de courses à plat sur l’hippodrome de Deauville », elle regarde toujours, attendrie, Marguerite, son héroïne d’antan, cheminer aux côtés de Fernandel.
La vie coule paisible pour Louise, à Saint-Aulnay-sur-Vire, sous les pommiers à cidre. Et cette noble âme respecte, chaque jour, sa promesse : « Je ne suis pas vache avec les copines ».
4) Souvenir d’un moment bucolique
Souvenir de Colette. Extrait de « Sido ».
Secouer l’arbre de notre mémoire pour récolter un souvenir dans un chemin, un parc, ou à la campagne.
15 minutes
L’après-midi serait longue. Sur le plateau de l’Audibergue, les nuages déroulaient leurs ombres et les falaises calcaires, si lumineuses les autres jours, s’obscurcissaient, se creusaient, dévoilaient des gouffres inattendus, grêlaient d’une variole sombre la roche tendre. Aux pieds du plateau, la cuvette marneuse recouverte d’un maquis austère s’étendait. La maisonnette, une ancienne cabane de berger abandonnée, avait été restaurée avec les moyens du bord. Elle servait de refuge, les week-ends, aux amateurs de nature et de randonnée. Les familles y amenaient leurs enfants, échappés le temps d’une journée aux allées de bitume, aux parcs trop paysagés pour être crédibles, aux jardins d’enfants dont les jeux obsolètes et rouillés n’offraient plus d’intérêt. Je faisais partie de ces enfants-là, déracinée chaque dimanche du jardin municipal et transplantée dans le sauvage plateau de l’Audibergue. Le vent y soufflait avec constance. Le maquis se répétait, cistes et chênes verts, à l’infini, tel un motif géométrique dupliqué, sur le papier peint de mes vacances. L’ennui s’annonçait, aussi sûrement que l’orage là-haut, sur la crête anticlinale. Le seul refuge contre l’orage, l’ennui et la solitude forcée, consistait à baisser les yeux. Descendre le regard au ras de l’herbe, drue et déjà sèche en ce mois de juin. Accoutumer sa vision à la proximité du tout petit. Découvrir le mouvement de la vie intrinsèque. Une patte d’insecte. Une mandibule de phasme. Une aile de sauterelle. Le grouillement des fourmis. Les navettes, incessantes et laborieuses, de tout ce petit monde, non pas souterrain, peu s’en eût fallu, à quelques centimètres près, de cet univers au ras du sol, hétérogène et mouvant, carapacé et chitiné, dont les préoccupations si éloignées des miennes me fascinaient et m’entraînaient très loin de l’ennui programmé du dimanche.
5) La symbolique des arbres
Le bouleau est symbolique de pureté, de l’attirance et de la noblesse. Le chêne symbolise la force et la solidité. L’amandier, la renaissance et le printemps. L’aubépine, détourne la foudre, conserve la viande, évite au lait de tourner et éloigne les serpents.
Si vous étiez un arbre, lequel seriez-vous ?Commencer par « Si j’étais un arbre, je serais »
10 minutes
Si j’étais un arbre, je serais un châtaignier.
Né et grandi en sol corse, sur terroir siliceux, l’arène granitique de Santa-Lucia, j’ai déjà vu passer soixante printemps et cinquante-neuf hivers. Mon tronc, rectiligne, fuselé, élancé, provoque bien des jaloux au sein du petit bois. Mes voisins, des chênes verts, des pistachiers lentisques, quelques maigres acacias, caroubiers et autres végétaux du maquis corse, n’ont pas hérité de ma lignée, plus digne d’une forêt que de ce repaire épineux pour bandits et autres maquisards. Mes ramures s’étendent, longues, presque à l’horizontale. Mes feuilles, plus larges que des paumes, au contour dentelé, se déploient et, réunies, protègent d’un auvent de fraîcheur le sol aréneux. Des cochons sauvages, sangliers croisés de porcs évadés, se délectent, l’automne venu, de mes grosses châtaignes. Je mature et remplis mes fruits, avec patience, d’une chair nourrissante dont ils raffolent. Les hommes aussi viennent me flatter, le moment venu, pour récolter à mes pieds les riches faînes. On m’a raconté qu’au village, ils en extraient une farine, dont je n’ai, bien sûr, jamais goûté, qu’ils accompagnent d’un fromage fraîchement battu, le bruccio, et d’un verre de vin de Propriano. Le paradis des hommes prend corps ici, en partie grâce à mes précieuses châtaignes.