Lundi 6 avril 2020. Vingt-et-unième jour de confinement
7ème défi. Une découverte pour le quotidien
Septième défi d’écriture proposé à distance par Carole Lacheray, qui anime l’atelier d’écriture à Trouville-sur-mer. Découvrez son blog (http://osezecrire.blog.free.fr) ou la page Facebook (https://fb.me/osezecrire), puis n’hésitez pas à vous lancer vous aussi, et à partager.
Je ne compte plus les jours de confinement… ou alors en J moins la délivrance… lorsque nous apprendrons qu’un traitement, mieux, même, un vaccin a été découvert pour éradiquer ce fichu virus. Beaucoup plus légèrement, c’est cette notion de découverte qui, je l’espère, va inspirer votre nouveau texte.
Cette fois ci, je vous propose donc d’imaginer et de présenter la découverte faite par le personnage de votre texte (futile, drôle, utopique, incroyable…) dont il prétend qu’elle améliorera considérablement notre quotidien. Quelques exemples avec ce petit bijou : le catalogue des objets introuvables, de Jacques Carelman, publié en 1969.
Votre texte présentera l’invention et développera les arguments qui devraient nous inciter à l’adopter.
Le trou de ver
Du mythe à la réalité
Futura science, mercredi 18 mars 2020 (extraits)
La nouvelle a fait le tour du monde en moins de 24 heures, plus rapide que la rotation du globe sur lui-même. Le trou de ver, ce mythe de la relativité créé par Albert Einstein, ce Graal des astrophysiciens, n’est pas qu’une équation abstraite. Jusqu’à présent, le trou de ver n’évoluait que dans les algorithmes mathématiques. Son existence, souhaitée, n’avait jamais été confirmée. C’est, du moins, ce qu’on voulait bien nous faire croire. La NASA a dévoilé à la mi mars, soit au début de la période de confinement, que depuis dis-huit mois ses équipes de recherche avaient validé la réalité de ce phénomène insolite. Mieux, le brevet de modélisation est passé dans le domaine public. Des équipes de recherche aux USA, bien sûr, mais aussi en Europe, en Inde et en Chine, se sont mises derechef à travailler sur le plus époustouflant phénomène qui soit : un raccourci à travers l’espace-temps.
Observables et durables
Science et vie, lundi 23 mars 2020 (extraits)
La durée de vie des trous de ver générés en laboratoire ne dépassait pas la semaine dernière l’ordre de la nanoseconde. Cette espérance de vie infinitésimale, couplée à une instabilité majeure, semblait reléguer définitivement ce concept majeur au rang de la science-fiction. C’était sans compter sur le génie de Bishun Chandra Bhatnagar, physicien nucléaire de l’université de New-Delhi. Avec le peu de moyens octroyés par le ministère de la Recherche en Inde, ce scientifique est parvenu à générer des trous de ver de 15 cm de long et 2,5 cm de haut, sous une forme tubulaire, d’une longévité, a priori, d’au moins huit jours. Le recul temporel sur ces études ne permettant pas d’en savoir plus, cette longévité sera confirmée dans les semaines à venir.
L’initiative généreuse d’un milliardaire
Ouest-France, mardi 31 mars 2020 (extraits)
Elon Musk l’affirme, le trou de ver sera bientôt commercialisé pour un prix minime. Et accessible à tous. Le milliardaire souhaite participer à « l’effort de guerre (virale) », en cette sombre période de confinement. Une cinquantaine de ses entreprises, délocalisées un peu partout dans le monde, voient leurs chaînes de montage modifiées afin d’y fabriquer des trous de ver en série. Les matériaux de base sont étonnamment simples, pour un phénomène aussi complexe. La cadence de fabrication estimée est de l’ordre de trois cent millions de tubes par semaine, qui seront vendus à prix coûtant, soit 1 dollar pièce. Elon Musk rajoute que des containers de tubes de ver seront livrés gratuitement dans tous les pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine considérés comme en sous-développement, soit près de la moitié de la production mondiale.
Lâchers de tube
Le Monde, lundi 6 avril 2020 (extraits)
Quatre milliards de gens confinés dans le monde se bousculent pour obtenir leur trou de ver. L’agitation est supérieure à celle provoquée par la disponibilité des tests aux anticorps anti-coronavirus. L’armée et la police aident et supervisent la distribution dans les grandes villes d’Europe, d’Amérique et d’Asie. Un service spécial contrôle le marché noir, un autre la diffusion de copies invalides. Des avions livrent, comme promis par le milliardaire, des caisses entières au Nigeria, au Botswana, au Togo, au Laos, au Cambodge, au Pérou. D’autres milliardaires, souhaitant eux aussi se voir consacrés sur l’autel médiatique de la célébrité généreuse, se sont associés à l’initiative. Des lâchers de caisses de tubes sont organisés. Des containers sont parachutés au-dessus du Sahara, dans le désert de Gobi, en plein cœur des Andes, dans toutes les régions inaccessibles du globe.
Mon tube et toi
Marie-Claire, jeudi 16 avril 2020 (extraits)
Corinne* est séparée de Raphaël* depuis quatre longues semaines, confinement oblige. Son amoureux a dû rester à Strasbourg, où il continue de travailler comme technicien de surface à Auchan. Corinne, assistante maternelle au chômage technique, a préféré partir dans son village natal du Loir-et-Cher, pour retrouver ses parents et la sécurité de la campagne. Après quelques semaines de culpabilité pour Corinne, et de franche déprime pour Raphaël, le jeune couple a enfin pu retrouver le contact grâce au tube de ver. Chaque matin et chaque soir, les jeunes gens s’installent d’un côté de leur tube, plaqué contre leur œil, à la manière d’une longue vue, se regardent dans les yeux et se parlent en direct, à peine séparés de quinze centimètres. Ils ont pu grâce à la fabuleuse invention retrouver une certaine proximité et témoignent, comme des milliers d’autres personnes dans le monde isolées par le confinement, que leur couple « va réellement mieux ».
* Les prénoms ont été modifiés.
Porno-tube
Sciences humaines, numéro spécial « La nouvelle pornographie », vendredi 17 avril 2020 (extraits)
Macha racole depuis son petit studio parisien, tube à l’appui. Son client la mate, à six mille kilomètres de là, dans sa chambre d’hôtel à Hong-Kong. « C’est trop kiffant ce tube, viens me voir mon chéri, allez viens zieuter par-dessous ma jupette ». Natacha, en uniforme d’hôtesse de l’air, se penche vers le faux voyageur de business class, affalé sur son canapé. « Souhaitez-vous monter au septième ciel en ma compagnie, monsieur ? Avec une coupe de champagne ? ». Adriana, dans son ranch du Texas, arrondit ses fins de mois par des voyages tubulaires, garantis « hallucinatoires », au fin fond de son intimité. « Je vais te faire voir les étoiles, mon poussin ». « L’industrie de la pornographie, à petite ou grande échelle, souligne le professeur André Marchand, docteur en psychologie et directeur de l’institut de recherche Saint-Anne, s’est approprié en un temps record la découverte du siècle ». Du fond de leur chambre, les ados ne pensent même plus au confinement. Seul regret, partagé par l’immense majorité des internautes : les dimensions du tube de ver, 15 X 2,5 cm, qui ne permettent pas l’introduction d’un pénis. Tout au plus, les amoureux les plus romantiques pourront-ils se toucher le bout d’un doigt ou se caresser la pointe de la langue.
Isabelle Lebastard